“I Hate Theater, I Love Pornography”, Zoukak Theatre Company
Nous avons débuté le temps d’échange par un jeu d’écoute consistant à compter ensemble jusqu’à 20, sans indications de qui prend la parole, et qui oblige pour être réussi à se mettre sur le même tempo, le même moment. (Si deux personnes parlent au même moment, il faut recommencer).J’ai ensuite pris le temps de rappeler ce qui était pour moi un atelier de réception : “Un temps d’échange horizontal, qui par des modes d’échanges “alternatifs” tente de casser les rapports verticaux d’une prise de parole habituelle : le fait que les plus à l’aise à l’oral, en anglais de surcroît, ceux ayant le plus de culture et de légitimité théâtrale soient ceux qui en temps normal monopolisent (malgré eux) le temps de parole.
L’idée est de créer un temps de connexion, permettant même de se sentir légitime à déchiffrer son ressenti (ce qu’un temps d’échange habituel peut empêcher, la question de la légitimité peut même empêcher de savoir soi-même ce qu’on a pensé du spectacle).”
Pour ce faire, l’atelier de réception doit organiser un temps d’échange évacuant la parole : Chacun des participants devait réfléchir à 3 mots dans sa langue natale que lui avait inspiré “I Hate, I Love”, éventuellement y ajouter une musique, des mouvements de danse, un rythme, un dessin. Nous nous sommes ensuite séparés en deux groupes de 4 , avec pour objectif de mettre en choisir collectivement 3 mots synthétisant les opinions et autour d’eux commencer à constituer une petite forme artistique à restituer à l’autre groupe.
Groupe 1 :
Le premier groupe a proposé une sorte de chœur de plus en plus anarchique.
En cercle, chacun à la suite, sur l’air d’”à vous dirais-je Maman” chantait une boucle en français, anglais, espagnol. Puis dans la continuité reprise de la première personne et départ en canon jusqu’à arriver à un résultat de plus en plus dissonant et chaotique. Ils commencent ensuite à se déplacer séparément dans la salle, avec l’intensité qui monte, qui monte, les paroles qui deviennent plus agressives, avant, sans concertation finir par progressivement redescendre à mesure que la fatigue monte. De mon point de vue : Cette proposition a synthétisé un cocktail d’émotions, d’énergies (le côté rituel du chant notamment) que diffusaient les Zoukak avec I Hate I Love. L’air d’”À vous dirais-je Maman” rappelle les chansons enfantines du spectacle, avec cette ironie si particulière. De plus, le groupe a décidé de se mettre à la place des acteurs qui déployaient une masse d’énergie (frapper sur le sol, chanter, souffler, pendant une vingtaine de minutes au début, une vingtaine au milieu).
Groupe 2 :
Après nous être arrêtés sur les termes inégalité et vérité et en tentant de représenter ces concepts avec comme base une chaise, nous avons décidé de créer un petit jeu
d’”inégalités”. Chaque participant disposait d’une chaise, pliable, les 4 participants tentaient d’abord de créer une structure avec les 4 chaises, mais constatant l’impossibilité de s’accorder se séparent. Début de la musique, début du jeu.
Les règles : chacun est assis sur une chaise, lorsqu’une personne assise clappe deux fois dans ses mains (d’un coup, à la suite, ou avec le clap d’une autre personne assise), les participants doivent changer de chaise et peuvent lorsqu’ils sont assis tenter de voler une deuxième, voire une troisième chaise.
Il est possible lorsqu’on dispose de deux chaises d’ouvrir la deuxième et d’intervertir simplement de position, mais les “sans-chaises” sont à l’affût.
La chaise ici représentait “une vérité / une voix”, qui lorsqu’elles sont accumulés (par un pouvoir, un état) constituent un pouvoir, et lorsqu’elle est perdue empêche de s’exprimer, d’agir (expliquant pourquoi sans chaise, le/la participant.e perdait son pouvoir de rotation).
Pour ceux ayant perdu la voix, il ne reste plus que des petits créneaux d’opportunité, risqués, dans lesquels il faut tenter de ruser pour retrouver sa voix.
Il s’agissait de mettre en lumière l’inégalité, le pouvoir, à travers l’ironie du jeu (Emma nous a fait remarquer que Zoukak employait le même registre).
Nous avons ensuite pris le temps d’expliquer les deux propositions, faire nos retours dessus et enfin revenir individuellement sur nos propres mots et leur place dans la proposition commune. Au terme de l’atelier, j’ai eu l’impression de savoir ce qu’avaient pensé les autres participants du spectacle, sans pour autant qu’à aucun moment un vrai temps d’échange organisé n’ait eu lieu.
Félix Vannarath