En images : https://www.youtube.com/watch?v=G19hUqUR-vY
C’est dans le cadre du festival d’Europe de Reims, un mercredi 14 février – jour pourtant consacré aux amoureux – que TA DA BONE bouscula nos cœurs d’un saut énergique. Une Horde de onze danseurs foula le sol du Manège de Reims pour raconter, en jean et basket, la naissance du jumpstyle en Europe. Si la musique électro accompagne ces athlètes qui ne semblent jamais s’essouffler, le spectateur est plongé pendant une heure et demie dans une fabuleuse parenthèse dansante dont l’effervescence s’est sûrement trop brutalement interrompue.
Dans une salle comble, le spectacle se languit de démarrer. Chaque danseur prend un temps pour occuper la scène, le visage fermé et le pas décidé. Le spectateur se concentre progressivement à l’approche de un, de deux, (ou plutôt) de dix garçons et d’une fille. Cette attente presque comique, va progressivement lier les danseurs qui s’étaient éparpillés. Telle une armée de soldats, ils entreprennent une chorégraphie trop dynamique où chaque mouvement est synchronisé avec celui de son voisin. Ce marathon de mouvements semble impossible à interrompre et infini, comme si l’inertie du groupe les engouffrait dans une quête expérimentale nouvelle et qui n’était pas prête de s’essouffler.
Le sujet de cette pièce reste tout de même analytique, descriptif. C’est un spectacle qui est beau, parfaitement monté, mais qui ne se digère pas dans le sens où, le spectateur n’a pas un « après spectacle ». Fasciné pendant et juste après la représentation, TA DA BONE est une parfaite narration de la création d’une danse moderne qui naît à l’ère où internet relie les passionnés du monde entier. Matérialisés par les projections caméra sur un écran blanc, on assiste à une narration esthétique magnifique mais qui manque sûrement d’épaisseur et de fond.
Ne pas lire la brochure peut rendre l’objet artistique beaucoup plus énigmatique et réflectif pour le spectateur car on peut y voir une quête de liberté des différents corps par rapport aux Autres. Chacun tente avec son individualité et sa propre façon de danser de s’écarter du groupe. Ils se retrouvent ainsi seuls, en public, à devoir confronter et affirmer leur différence. Si leur langage corporel est différent (disparate, contraire) face à cette Horde de copiés-collés, ils rencontrent progressivement d’autres danseurs, eux aussi à l’écart, et décident de créer ensemble. Tout est contraste, les accents, les techniques, les styles de vie se mélangent pour créer, en fin de pièce, un collectif fort qui semble infatigable.
Cette tension monte plusieurs fois dans la pièce mais ne décolle pas, de sorte qu’on à l’impression que quelque chose retient l’ensemble. Finalement c’est de manière spectaculaire qu’avec de la fumée, des regards déterminés et une musique prégnante, on croit voir l’apogée de leur travail. Apogée qui s’arrête sèchement et brutalement avec un noir sur scène. Brusqué, le spectateur doit applaudir sans même qu’il n’est eu le temps de calmer l’hystérie provoquée par les danseurs. Et c’est avec cette impression de « non achevé » que le spectateur sort de la salle, perdu entre fascination et désarroi. Si on interprète cela comme la matérialisation d’un phénomène en plein essor qui n’est pas « fini », la chute est belle, si ce n’est pas le cas la chute est sèche, trop sèche.
Juliette Fressonnet
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